Piţurcă, le renouveau roumain

Les semaines qui précèdent une grande compétition
internationale sont particulièrement éprouvantes pour les nerfs des
sélectionneurs. La rude tâche des qualifications est accomplie, reste à
attendre le début des matches - en croisant les doigts pour qu'aucun
joueur clé ne se blesse avant le jour J. Le sélectionneur de la
Roumanie, Victor Piţurcă, a surveillé de particulièrement près
l'attaquant de l'ACF Fiorentina, Adrian Mutu. Le joueur de 28 ans est
encore indemne de blessures. Le sélectionneur espère maintenant qu'il
restera aussi en forme sous le maillot jaune de la Roumanie. "Un des meilleurs du monde"
Piţurcă
a certainement pensé que les dieux étaient contre lui lorsque le tirage
au sort a fait tomber son équipe dans le même groupe que la France,
l'Italie et les Pays-Bas (Groupe C). Mais tandis que ses rivaux
comptent sur Thierry Henry, Luca Toni ou Ruud van Nistelrooy pour faire
la différence, Piţurcă sait qu'il a lui aussi son joker pour faire
basculer un match. "Mutu est très important", expliquait le
sélectionneur à uefa.com. "Les années ont passé sur lui. Il est devenu
vraiment mature, et il a beaucoup d'expérience. C'est aussi très
important qu'il se soit marié, sa famille lui donne de la
stabilité. Tous ces facteurs lui ont permis d'atteindre son niveau et
de devenir, à mes yeux, un des meilleurs joueurs du monde." Antécédents houleux
Piţurcă s'empresse
toutefois toujours de préciser que son équipe ne repose pas sur un seul
individu. Si la Roumanie réussit, ce sera le succès d'une équipe. Mutu,
auteur de six buts en neuf matches éliminatoires, mais également le
défenseur central Cristian Chivu et le gardien vétéran Bogdan Lobonţ,
forment l'ossature d'une équipe dont Piţurcă apprécie l'unité et les
objectifs communs. La vie avec l'équipe nationale n'est pas toujours
facile - Piţurcă l'a appris à ses dépens, limogé à la suite de
querelles internes après avoir qualifié la Roumanie pour l'UEFA EURO
2000™. Ce tournoi a marqué la dernière grande phase finale de la
Roumanie, et aujourd'hui, Piţurcă entend bien rattraper le temps perdu.

Respect des règles
"On
a perdu tellement d'années, d'autant plus qu'on avait quelques très
bons joueurs de talent. C'était un formidable objectif commun de se
qualifier. Les gars étaient très motivés et concentrés pour chaque
match. L'équipe actuelle est très bonne, mais le plus important est
qu'elle forme un groupe très uni. Quand je suis revenu comme
sélectionneur [en novembre 2004], nous étions bien conscients, les
joueurs et moi, que le groupe n'avait aucune unité. Alors pendant
toutes mes discussions avec les joueurs, j'ai souligné qu'il nous
fallait cette force. J'ai mis du temps à les convaincre tous de penser
comme moi, mais ils sont tous intelligents, et ils ont compris qu'ils
devaient s'adapter aux règles, qui sont très strictes dans notre équipe
nationale." Beau parcours
La discipline
s'est avérée payante. La Roumanie n'a perdu qu'un seul
match éliminatoire (face à la Bulgarie), alors qu'elle était déjà
qualifiée, à deux matches de la fin. L'équipe est peut-être l'outsider
du Groupe C, mais elle ne manquera pas de confiance, vu ses
performances en qualifications - une avance de quatre points sur les
Pays-Bas acquise sans prendre aucun but. "Ces résultats nous ont permis
d'atteindre un meilleur niveau", affirme Piţurcă. "C'était un gros
bonus psychologique." Le technicien de 52 ans en sait long sur la
question. Buteur prolifique, il a lui-même inscrit cinq buts en neuf
matches pour aider le FC Steaua Bucureşti à remporter la Coupe des
clubs champions européens 1985/86, ainsi que la Super Coupe de l'UEFA
l'année suivante.

Aller le plus loin possible
En
tant qu'entraîneur, Piţurcă a remporté le titre roumain avec le Steaua,
et a bien réussi avec l'équipe nationale des moins de 21 ans avant de
prendre les rênes de l'équipe senior en 1998. Il a qualifié la Roumanie
pour l'UEFA EURO 2000™ avec l'aide des jeunes Mutu, Chivu et Lobonţ,
qui allaient atteindre les quarts de finale après le départ de leur
sélectionneur. Cette fois, Piţurcă pense pouvoir aller plus loin. "Oui,
nous pouvons", affirmait-il. "Si les joueurs sont en bonne santé et en
bonne forme physique et mentale, ils peuvent aller loin. Nous pouvons
aller en finale, et même la gagner, mais nous pouvons aussi perdre tous
nos matches. A ce niveau, tout peut arriver. Bien sûr, on se rappelle
ce qu'a fait la Grèce il y a quatre ans. On ne leur donnait pas
beaucoup de chances au Portugal, mais ils ont gagné. Comme tous les
sélectionneurs, mon rêve est d'aller le plus loin possible." Génération dorée ?
Studieux
et plutôt réservé, Piţurcă ne prendra pas ombrage de ce que les médias
s'intéressent plus à ses adversaires Raymond Domenech, Roberto Donadoni
et Marco van Basten qu'à lui-même. Mais les attentes n'en sont pas
moins très fortes dans son pays. L'équipe de Roumanie est comparée avec
celle du puissant Gheorghe Hagi, dans les années 90. Piţurcă ne veut
pas parler de génération dorée. "Pour moi, une génération dorée doit
gagner au moins un trophée", explique-t-il. "C'est seulement comme ça
qu'on pourra dire qu'ils sont meilleurs que toutes les autres
générations précédentes du football roumain. Et j'espère qu'ils y
arriveront."